L’Union européenne a réaffirmé des règles strictes sur les déficits budgétaires des États membres, tout en offrant des exceptions pour les dépenses militaires. Malgré les affirmations antérieures de la fin de l’austérité, celle-ci est utilisée de manière discriminatoire pour limiter les choix démocratiques des citoyens. L’« ordre de la dette » revient, prévient Benjamin Lemoine, sociologue français. En 2024, la Commission européenne a imposé à nouveau aux États membres des limites budgétaires, bien que des dérogations soient en discussion pour financer une augmentation des dépenses militaires.
La montée de l’extrême droite dans les deux hémisphères entraîne des réductions drastiques des dépenses publiques et des allègements fiscaux, menaçant gravement les systèmes sociaux. Selon Lemoine, la dette est utilisée comme une « technologie » politique pour discipliner la société, enterrant l’« émergence silencieuse » de nouvelles politiques monétaires qui avaient permis des dépenses par déficit durant la pandémie.
Benjamin Lemoine, auteur de L’ordre de la dette, explique que les banques centrales ont rompu avec l’orthodoxie politique pour soutenir les gouvernements. Cependant, cette dynamique a été ébranlée par la crise du coût de vie, ramenant à un monde où la lutte contre l’inflation et la préservation des actifs financiers sont prioritaires. La Banque centrale européenne (BCE) conditionne désormais ses interventions sur les finances publiques des États membres, imposant des critères stricts pour les dépenses militaires.
L’ordre de la dette favorise l’augmentation des dépenses militaires au détriment des services sociaux. Les budgets européens deviennent un champ de bataille entre classes sociales, avec une réduction des dépenses publiques (la « main gauche ») et une protection accrue des secteurs sécuritaires (la « main droite »). La France, comme d’autres pays, subit ces ajustements, avec des coupes dans l’éducation, la culture et la recherche.
Lemoine souligne que les politiques monétaires ne servent plus à transformer le système mais à renforcer la domination financière. Les créanciers privés utilisent des lois américaines pour contraindre les États endettés, menaçant l’attrait du dollar en tant que monnaie mondiale. La Chine et d’autres pays tentent de créer des alternatives régionales, mais ces efforts restent limités.
En France, le gouvernement Bayrou a adopté un budget 2025 marqué par des réductions drastiques, sacrifiant les services publics au profit de la sécurité. L’extrême droite, bien qu’ayant abandonné ses positions antifinancières, s’allie désormais avec l’économie libérale, renforçant le pouvoir des secteurs financiers.
Lemoine plaide pour un contrôle public sur le financement de l’État, en reprenant les modèles d’autofinancement post-guerre. Cependant, la crise économique et la dépendance aux marchés rendent cette transition complexe. La dette reste une arme de domination, exacerbant les inégalités et menaçant l’avenir de l’économie française.